L'Ordre

Projet de loi sur l’encadrement des chiens : D’accord sur le principe d’encadrement pour assurer la protection du public, objections et inquiétudes sur les moyens

Projet de loi sur l’encadrement des chiens : D’accord sur le principe d’encadrement pour assurer la protection du public, objections et inquiétudes sur les moyens

En réaction au dépôt de la loi no 128 : Loi visant à favoriser la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens par le ministre de la Sécurité publique du Québec, M. Martin Coiteux, les médecins vétérinaires du Québec saluent la volonté du gouvernement de prendre un virage en matière d’encadrement des chiens dangereux afin de protéger plus adéquatement la population et les animaux domestiques sur le territoire québécois, mais émettent de vives objections sur certaines dispositions et éprouvent de grandes inquiétudes quant au réalisme de certains moyens choisis et à l’absence de mesures préventives et de sensibilisation.

« Certaines mesures prévues dans le projet de loi étaient réclamées depuis plus de 20 ans par la profession vétérinaire. En ce sens, le projet de loi franchit un pas important. Toutefois, l’approche n’est que réactive et coercitive alors que la prévention et la sensibilisation sont essentielles et s’avèrent les moyens les plus efficaces. De plus, le gouvernement délaisse un bon nombre de ses responsabilités et impose aux médecins vétérinaires des obligations  inapplicables », a souligné le président de l’Ordre, le Dr Joël Bergeron.

LES POINTS FORTS DU PROJET DE LOI

Quelques mesures importantes sont mises de l’avant par le gouvernement, dont :

  • la catégorisation des chiens – chiens dangereux, chiens réputés potentiellement dangereux et chiens déclarés potentiellement dangereux après évaluation;
  • l’adoption de mesures d’encadrement pour les chiens déclarés potentiellement dangereux;
  • l’identification, l’enregistrement et le port de la laisse pour tous les chiens au Québec.


LES POINTS FAIBLES DU PROJET DE LOI

Alors que des mesures éprouvées avaient été proposées, le gouvernement omet des propositions importantes ayant un impact majeur sur la protection du public, dont :

  • le développement d’un formulaire standardisé de déclaration de morsures pour tous les intervenants et municipalités;
  • la création d’un registre national sur les cas de morsures et la présence de chiens dangereux sur le territoire;
  • le déploiement d’une campagne d’information et de sensibilisation pour les propriétaires de chiens et l’ensemble de la population;
  • l’obligation de signalement des cas de morsures avec lésions par les premiers répondants et les policiers;
  • l’utilisation du terme « morsures avec lésions ou morsures entraînant des soins médicaux » plutôt que du terme « blessures »;
  • l'interdiction de races et de types de chiens : une mesure inefficace;
  • les difficultés et limites liées à l’identification d’une race ou d’un type de chien;
  • les difficultés et limites liées à l’évaluation de la dangerosité d’un chien.


UNE RESPONSABILITÉ INDUE ET UTOPIQUE IMPUTÉE AUX MÉDECINS VÉTÉRINAIRES

En 2010, on notait plus de 450 morsures de chiens ayant causé des marques par jour au Québec. Le nombre de blessures infligées sans distinction de leur gravité est largement supérieur à ce nombre. Déclarer systématiquement toutes les blessures n’est pas envisageable, mais déclarer les morsures avec lésions le serait.

De plus, la déclaration obligatoire des blessures sans distinction de la gravité et du contexte vient compromettre la relation de confiance qui unit le médecin vétérinaire à son client qui se tourne souvent vers lui pour obtenir des conseils, de l’accompagnement, des références, du soutien et l’accès à des ressources spécialisées. Les cas de blessures et de morsures sont souvent circonstanciels et nécessitent des nuances avant d’être déclarés sans quoi cette mesure contrevient à la protection du public.

Le projet de loi crée une brèche importante dans l’obligation déontologique du médecin vétérinaire de conserver le secret professionnel, car le partage d’informations se ferait avec un tiers n’ayant aucune obligation déontologique. De plus, la municipalité n’a aucune obligation d’action à la suite de la réception de ces informations hautement confidentielles. Le fait de déclarer une morsure ne protège pas le public s’il n’y a aucune action immédiate obligatoire. Le projet de loi menace le lien de confiance entre le médecin vétérinaire et le propriétaire du chien sans offrir plus de protection au public.

De plus, alors que les données scientifiques sont probantes à l’égard de l’inefficacité de l’interdiction de certaines races, le gouvernement du Québec compte adopter sous peu un décret interdisant les pitbulls sur tout le territoire québécois. Euthanasier des chiens sains de corps et d’esprit va à l’encontre des valeurs, de l’éthique et du serment des médecins vétérinaires. Une grande quantité d’euthanasies et d’abandons sont à prévoir et le gouvernement devra s’assurer d’avoir les ressources nécessaires.

Enfin, le gouvernement du Québec ne prévoit assumer aucune nouvelle responsabilité, ni injecter de nouvelles ressources. Il y aura donc un accroissement important des responsabilités des municipalités, des médecins vétérinaires et des médecins sans tenir compte des difficultés et des coûts liés au partage d’informations, à la certification d’une race ou d’un type de chien et à l’évaluation de la dangerosité des chiens.

L'Ordre des médecins vétérinaires du Québec et les associations vétérinaires du Québec entendent collaborer avec le gouvernement à l’amélioration du projet de loi en participant aux consultations particulières à venir. Les médecins vétérinaires souhaitent en effet profiter de l’occasion qui se présente pour encourager le gouvernement à doter le Québec d’une stratégie efficace en matière de gestion animalière et d’encadrement des chiens pour faire en sorte que le Québec se démarque par sa vision et par l’adoption d’un continuum de mesures d’encadrement efficaces permettant de protéger réellement le public.

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