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La pandémie: une occasion pour la mise en œuvre de l’approche « Une seule santé »

La pandémie: une occasion pour la mise en œuvre de l’approche « Une seule santé »

LA SCIENCE DANS SES MOTS / La pandémie actuelle est une belle occasion pour débattre et réorganiser, le cas échéant, la Santé publique nationale et mondiale. Avec le virus du SARS en 2002 et le virus du MERS en 2012, le virus COVID-19 (SARS-CoV-2) est le troisième coronavirus à émerger avec la capacité d’infecter l’homme et de générer des désordres pathologiques notoires incluant des mortalités.

 

Trois nouveaux virus touchant l’homme en 17 ans, c’est loin d’être banal et peut traduire somme toute un signal à prendre très au sérieux pour les futures pandémies qui pourraient arriver plus tôt que tard (un article paru dans Québec Science en octobre 2019 se voulait-il prémonitoire ? https://www.quebecscience.qc.ca/sante/prets-pour-la-prochaine-pandemie/.  Et il devient de plus en plus clair que les activités humaines représentent un facteur important pour générer de telles situations. En empiétant toujours plus sur l’habitat des autres espèces, ces activités multiplient les occasions de contact avec la faune sauvage, où circulent en outre des virus qui peuvent faire le saut vers l’humain.

 

De ce point de vue, la pandémie de COVID-19 n’est pas un incident de parcours survenu par hasard. Il faut savoir de fait que quelque 70 à 75% des infections chez l’humain ont comme origine les animaux et, parmi ces agents infectieux, les virus en constituent la grande majorité.  Ce n’est pas sans raison que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) défend depuis des années le concept d’« Une seule santé », qu’elle décrit comme suit sur son site : «la conception et la mise en œuvre de programmes, de politiques, législations et travaux de recherche pour lesquels plusieurs secteurs communiquent et collaborent en vue d’améliorer les résultats en matière de santé publique. Cette approche est particulièrement pertinente dans les domaines de la sécurité sanitaire des aliments, de la lutte contre les zoonoses (maladies susceptibles de se transmettre de l’animal à l’homme …) et de la lutte contre la résistance aux antibiotiques (https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/one-health).

 

Malgré cela, force est d’admettre que les intervenants en santé animale, notamment des virologistes, immunologistes ou épidémiologistes vétérinaires avec une formation scientifique reconnue, n’ont pas été mis à contribution, à quelque niveau que ce soit, durant la présente pandémie. De fait, il nous semble que l’on se préoccupe peu de ce que l’on peut retrouver scientifiquement en virologie animale alors qu’on gagnerait à le faire. Par exemple, la recherche scientifique avait montré depuis longtemps qu’à un virus animal, un artérivirus, causant des pathologies respiratoires et des mortalités importantes chez le porc (cette infection est la plus importante en termes de pertes en industrie porcine partout dans le monde !) et appartenant au même grand groupe des ""Nidovirus" que le Coronavirus associé à la COVID-19, était associé la présence de porteurs asymptomatiques, de courte ou de longue durée (ce que l’on appelle infection persistante) transmettant alors le virus chez d’autres individus sains. Qui plus est, la transmission par aérosols y était aussi documentée. Si on avait tenu compte de ces connaissances, on aurait peut-être moins tergiversé avant d’adopter le principe de précaution dans nos CHSLD en mars 2020.

 

L’approche « Une seule santé » devrait, à notre avis, être adoptée afin d’assurer une santé globale pour tous les habitants de cette planète et, du coup, favoriser leur développement, voire leur survie. Alors, est-ce qu’il y aurait lieu d’avoir la collaboration et la participation active, au sein de certains comités, d’intervenants impliqués en santé animale, et plus particulièrement en virologie/microbiologie immunologie et épidémiologie vétérinaire, pour exercer un rôle important en Santé publique et ainsi faire de cette approche « Une seule santé », une réalité ?  Comme le dit le vieil adage, poser la question, c’est y répondre !!





Paru le 3 avril 2022 EN LIGNE dans le journal Le Soleil

DENIS ARCHAMBAULT

Médecin vétérinaire, virologue et immunologiste, UQÀM 

GASTON RIOUX

Médecin vétérinaire, président de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec

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