Le dernier tiers de la gestation
Votre jument aborde le dernier tiers de gestation. Cette période est importante, car c’est le temps de porter une attention particulière à l’alimentation, la vaccination, la vermifugation et au programme d’exercice.
C’est durant les quatre derniers mois de gestation que le fœtus grandira le plus. Cette augmentation rapide du poids occasionnera une demande accrue d’énergie de la part de la jument. Pour satisfaire ses besoins énergétiques, l’essentiel de la ration alimentaire sera un foin de bonne qualité servi à volonté, sauf si elle est obèse. On pourra ajouter de la moulée ou des concentrés, au besoin, en se fiant à l’état de chair. On ne veut pas voir les côtes, mais on ne veut pas de bourrelets de graisse non plus. La plupart du temps, la moulée n’a pas besoin d’être ajoutée à la ration avant les trois derniers mois de gestation. La plupart des moulées équilibrées (commerciales) conviennent très bien et n’ont pas besoin de très haute teneur en protéines.
La mise bas étant un effort physique plutôt intense, votre jument doit être en bonne forme. Bien que l’exercice soutenu ne soit plus approprié à ce stade, il est important que votre jument fasse régulièrement de l’exercice, de léger à modéré, surtout si elle est gardée au box. À la fin de la gestation, plusieurs juments ont tendance à faire de l’œdème (enflure) au bas des membres et sous l’abdomen. Cette réaction est un phénomène normal. L’exercice régulier aide à diminuer ou à contrôler cet œdème.
Certaines maladies, dont la rhinopneumonie (herpès) peuvent causer de l’avortement dans le dernier tiers de gestation. La vaccination contre cette maladie est possible et très efficace. Toutefois, le programme est différent d’un cheval normal. En effet, un vaccin devrait être administré à cinq, sept et neuf mois de gestation. Même si vous ne l’avez pas fait, il n’est pas trop tard pour commencer.
Avant l’âge de 3 mois, le système immunitaire du poulain n’est pas très efficace et il ne fabrique pas d’anticorps. C’est donc dans le colostrum (premier lait) que le poulain puisera ses premiers anticorps. Il est donc important que le colostrum soit riche en anticorps contre les maladies les plus communes dans son environnement. Pour ce faire, il est recommandé de donner un rappel de vaccins à la jument un mois avant la date prévue du poulinage. Dans la plupart des régions du Québec, on recommande un rappel contre le tétanos, l’influenza, l’encéphalite, la rage et le virus du Nil. Vérifiez auprès de votre vétérinaire ce qui est recommandé dans votre région.
Certains parasites sont transmis au poulain par la jument (par le lait, par exemple). Il est donc important de continuer de la vermifuger régulièrement en s’assurant qu’un vermifuge soit administré près de la date prévue du poulinage (c’est-à-dire quelques semaines avant). La plupart des vermifuges actuellement sur le marché sont sécuritaires pour la jument gestante. Vous devriez cependant toujours demander l’avis de votre vétérinaire avant d’administrer quel que médicament que ce soit.
La gestation moyenne est de 338 à 342 jours. L’écart normal est toutefois de 320 à 380 jours. Le pis se gonfle graduellement durant les deux à quatre semaines précédant le poulinage, et de la cire (figure 1) apparaîtra au bout des mamelles de un à quatre jours avant la mise bas. Il n’y a pas à s’inquiéter si la jument ne semble pas pressée de pouliner, du moment qu’elle est en forme et de bonne humeur. Vous devriez cependant aviser votre vétérinaire si des signes anormaux étaient présents comme la perte de lait, la présence d’écoulements purulents à la vulve, fièvre, etc. Si la gestation dépasse 345 jours, il n’est pas mauvais de faire examiner votre jument par votre vétérinaire, question de s’assurer qu’elle est toujours gestante et que tout se passe bien.
Si votre jument a eu une vulvoplastie (figure 2) ou une chirurgie de Caslick (chirurgie qui vise à réduire l’ouverture de la vulve et qui est faite à l’occasion pour prévenir les infections), n’oubliez pas de communiquer avec votre vétérinaire quelques semaines avant la date prévue du poulinage pour qu’il incise (« découse ») la vulve.
Il ne vous reste plus qu’à attendre. Pour le reste, c’est la jument et le fœtus qui décident.
Figure 1
Figure 2
Des derniers jours de gestation au premier jour de vie
Le temps de la mise bas approche et on doit se préparer. Normalement, les derniers vaccins et vermifuges ont été administrés, sinon il n’est pas trop tard pour communiquer avec votre vétérinaire. D’ailleurs, il est bon d’avoir à portée de main, près des téléphones, le numéro de téléphone de votre vétérinaire en cas de besoin, car au cours de complications, les minutes comptent. Rassurez-vous, ce n’est pas comme au cinéma, la plupart des juments poulinent sans aide et sans complication.
L’environnement dans lequel poulinera la jument est très important. Selon la date prévue, la jument pourra mettre bas à l’extérieur (printemps et été) ou dans un box. L’avantage de l’extérieur est que, surtout dans l’herbe fraîche, il y a suffisamment de place pour ne pas avoir à craindre que la jument ou le poulain soit coincé contre une paroi. Cependant, le climat québécois laisse souvent à désirer et plusieurs juments devront mettre bas à l’intérieur. Si tel est le cas, le box doit être de dimension adéquate, soit au moins deux fois et demie la taille de la jument (toutes directions) lorsqu’elle est couchée de tout son long, bien ventilé, mais sans courant d’air. Un box d’environ 4,5 m x 4,5 m (14 pi x 14 pi) est recommandé. Ce box a d’abord été bien lavé et désinfecté avant d’y introduire une nouvelle jument. Un plancher de bois ou de béton est idéal, car ceux de terre battue sont difficiles à désinfecter. La litière de paille est préférable à la ripe de bois, car elle colle moins et est plus chaude et confortable. Il faut mettre une quantité de litière suffisante pour que jamais le plancher ne soit exposé. Ce box doit être gardé propre en tout temps. Il faut donc ramasser les fumiers et la litière souillés au fur et à mesure.
Les derniers jours
Dans les derniers jours qui précèdent le poulinage, le pis change d’aspect, de quatre à six jours avant il devient engorgé et de un à quatre jours avant de la cire apparaît aux trayons. Il est normal de voir de l’œdème aux membres et sous le ventre. Un exercice léger comme la marche ou la mise en liberté est bénéfique. On s’assure que l’eau fraîche est toujours disponible et que le foin est servi à volonté. La moulée est servie à raison d’environ 4-6 kg par jour, séparée en deux à quatre repas selon l’état de chair. Un supplément de vitamines et de minéraux est aussi ajouté.
La croupe donne l’impression qu’elle se creuse et l’attache de la queue peut devenir plus évidente. La vulve se relâche. Si la vulve a été cousue (chirurgie de Caslik), vous devriez communiquer avec votre vétérinaire pour qu’il l’incise (« découse ») si ce n’est déjà fait. La vulve, le pis et les cuisses doivent être gardés propres. Lavez-les au besoin.
Durant les derniers jours, la jument pourrait avoir des moments d’inconfort passagers. Ceux-ci ne durent souvent que quelques minutes. Apparemment, la jument aurait un certain contrôle sur le déclenchement du part et elle préfère pouliner le soir ou tôt le matin lorsque l’écurie est calme. Il n’est pas rare que la jument profite du moment où vous vous absentez, même après l’avoir veillée toute la nuit, pour pouliner et que vous reveniez avec un poulain dans le box.
Les trois étapes de la mise bas
Première étape
Le compte à rebours est déclenché. La jument devient anxieuse, agitée, on dirait qu’elle fait des coliques. Elle peut se mordre les flancs, se coucher et se lever, ruer, se lever la queue, suer, etc. C’est la première étape qui commence. On en profite pour mettre un bandage de queue (attention pas trop serré), puis laver et bien rincer le pis, les cuisses et la vulve. Ensuite, il est préférable de rester à l’extérieur du box et de laisser la nature faire son œuvre tout en tenant le chrono. En effet, cette phase devrait durer de une à deux heures. Les contractions font progresser le fœtus dans le bassin et à travers le col. Un sac blanc va graduellement apparaître à la vulve. Ce sont les membranes fœtales. Lorsqu’elles sont bien visibles (perte des eaux ou non), on passe à la deuxième étape.
Attention ! S le sac est rouge, il faut appeler immédiatement votre vétérinaire, couper le placenta et sortir le poulain, car il s’agit d’un décollement placentaire (red bag syndrome). Le poulain sera en détresse par manque de nutriments et d’oxygène.
Deuxième étape
La deuxième étape est celle de l’expulsion du poulain. C’est ici que la tête et les deux pieds antérieurs feront leur apparition. Les pieds devraient être orientés la sole vers le sol. Le nez est légèrement en retrait entre les deux pieds. Cette phase ne devrait pas durer plus de 30 minutes. Vous devriez appeler votre vétérinaire si rien ne progresse après 10 à 15 minutes ou si les pieds regardent vers le haut ou que le nez n’est toujours pas visible. Lorsque tout progresse normalement, pas besoin d’intervenir. Attention, chronométrez le tout, car la perception du temps est souvent trompeuse.
Lorsque le poulain est sorti, restez calme, il est préférable de laisser la jument et le poulain seuls tout en les observant. Si la tête du poulain est hors du sac, laissez-le briser lui-même les membranes. (Remarque : sortir la tête du sac si besoin.) Il n’y a pas d’urgence à couper le cordon ombilical. Il se rompra de lui-même quand la jument se déplacera. S’il ne se rompt toujours pas, vous pourrez d’une main (propre) tenir fermement le début du cordon à environ 2,5 cm du ventre et de l’autre tordre la portion libre sur elle-même jusqu’à ce que le cordon cède. Vous ne devriez pas le couper. Si le cordon saigne, maintenez-le entre le pouce et l’index et exercez une pression de plusieurs minutes. Vous pourriez aussi mettre une pince à sac qu’on trouve facilement dans les magasins à un dollar.
Troisième étape
La troisième et dernière étape est celle de l’expulsion des membranes. Durant cette phase, la jument peut avoir de petites contractions. Le placenta devrait être expulsé à l’intérieur de trois heures. Ne jamais tirer sur le placenta, car il pourrait se déchirer. Vous pouvez le replier sur lui-même et l’attacher pour éviter qu’il traîne entre les pattes arrière de la jument. Une fois le placenta expulsé, vous pouvez l’étendre sur le sol pour voir s’il est complet. La forme ressemble à un pantalon un peu difforme. Conservez-le pour que votre vétérinaire puisse l’inspecter. Vous devriez communiquer avec votre vétérinaire si le placenta est toujours retenu après trois heures.
Il est à noter que la jument est plus à risque de faire des coliques durant la fin de la gestation et les quelques jours qui suivent. Pour tout signe de colique ou si une phase se prolonge, vous devriez appeler votre vétérinaire en urgence.
Après la mise bas, le poulain respectera une séquence d’événements dont voici la chronologie. Si cette chronologie n’est pas respectée, le poulain est peut-être faible. Il vaut mieux alors appeler votre vétérinaire.
— Tentative pour se lever, 30 minutes ;
— Debout et premier boire à l’intérieur de deux heures ;
— Passage de méconium (premières selles qui sont foncées et pâteuses), au maximum huit heures. Un énéma pédiatrique acheté en pharmacie peut être administré sur recommandation de votre vétérinaire seulement ;
— Urine, au maximum 12 heures.
Colostrum
Ce premier lait est riche en anticorps essentiels à la défense du poulain contre les maladies en attendant qu’il puisse fabriquer lui-même ses anticorps. L’absorption de ces anticorps est à son maximum jusqu’à 12 heures de vie, puis le taux d’absorption chute drastiquement. C’est pourquoi il est important que le poulain boive tôt. Plus ou moins 12 heures après le premier boire, il est conseillé de faire analyser le taux d’anticorps dans le sang du poulain. Une trousse spéciale permet à votre vétérinaire de faire le test à l’écurie. Si ce taux est trop bas, il est encore temps d’administrer un sérum riche en anticorps qui assurera au poulain une bonne défense contre les infections d’ici à ce que son système prenne la relève.
Cordon ombilical
Pour assécher et fermer cette porte d’entrée aux infections, le bout du cordon devra être trempé dans une solution diluée de chlorhexidine ou dans de l’iode 2 %. À répéter trois fois par jour pendant plusieurs jours.
Sabots
Ils sont mous et un peu gélatineux à la naissance ? Vous pouvez passer un coton imbibé d’iode 2 % sous la sole. Attention pour que ça ne coule pas sur la peau.
Premiers jours
Durant les jours suivants, continuez d’observer le poulain et la jument. Si tout va bien, la jument devrait avoir un bon appétit, le poulain devrait se lever plusieurs fois par heure pour boire et pour avoir un niveau d’énergie qui va en augmentant.
Si un élément vous inquiète, peu importe lequel, n’hésitez pas à appeler votre vétérinaire qui saura vous conseiller.
Bon poulinage !